mercredi 30 octobre 2013

Kufer Ein...et Barghouti...

Juste des notes pour en dire plus encore...

Ramallah








A une centaine de mètres du Ministère de l’Intérieur palestinien, Julien et  moi montons dans une Skoda grise. Il est 22h.
Ahmad est avec nous et Hussein conduit.
Nous partons boire quelques bières à Jéricho. C'est ce que nous avons compris.
Ramahla est en Zone A, c'est à dire sous contrôle de l’autorité palestinienne, mais l'armée israélienne peut y pénétrer comme elle veut.
Nous roulons une dizaine de minutes.
Nous sortons de Ramahla et quelques centaines de mètres plus loin, la voiture stoppe. Sur le bas coté de la route, à la lumière des lampes électriques faiblardes, nous distinguons un site archéologique avec un réservoir d'eau vieux de 200 ans. 
Nous sommes désormais en Zone C, sous contrôle totale de l'armée Israélienne (62 % de la Palestine).
Hussein sort une bouteille de whisky, des cacahuètes et des  fèves.
C'est ici, que sur ce bord de route, le 16 octobre 2013, que nous allons refaire le monde.
Parce qu'il ne faut pas être vu à Ramahla boire de l'alcool.
Plus la bouteille se videra, plus la Palestine sera libre, plus la circulation y sera aisée, et plus l'avenir sera radieux, au moins pour les générations futures.






  
Au loin, nous voyons les lumières de Jaffa et une grosse masse sombre, la mer méditerranée. Ni Ahmad, ni Hussein ne pourront s' y baigner. Tout ancien prisonnier est interdit de sol israélien. Ahmad à fait quatre ans de prison. 
Je raconte l’interrogatoire ?
Vite fait alors. Pour finir la bouteille avant de se quitter. 
- Cinq jours dans une pièce dont la taille ne permet ni de s’asseoir complètement, ni se tenir debout. 
Puis 5 jours sans dormir, puis 5 jours pendu par les bras dans le dos. 
Si pas d'aveu, c'est reparti pour un nouveau cycle.
Ahmad a subit ça pendant deux mois.
Puis 4 ans d'emprisonnement.
Il est, je crois, difficile de rencontrer en Palestine un homme qui n'ait pas connu la prison.
La bouteille est finie, et jetée nonchalamment sur le site archéologique.








Le lendemain, nous serons dans cette montagne palestinienne qui regorge d'oliviers et d'anciens prisonniers politiques. En effet, nous sommes dans la région des Berghouti. Le plus célèbre d'entre eux est Marouane. 
Je vous conseille vivement ce lien pour en savoir plus.
Ahmad nous fait passer de famille en famille, d'amis en amis.
Ça grouille d'enfants, les garçons jouent aux football, les filles se courent après, un cheval traverse la rue devant l'épicerie encore ouverte. Une nuit comme les autres dans un village sur les hauteurs d'une colline provençale. Voilà à quoi je pense ce soir là. 
Tout le monde veut être pris en photo avec ses enfants par Julien.

On ne m'appelle jamais Gérald, imprononçable ici, mais Jihad (révolution), ce dont je ne suis pas peu fier.
Ce village, c'est Kufer Ein.







2000 personnes dont 1800 Barghouti, 100 communistes, 600 Fatah, 250 Hamas et quelques collaborateurs en lien avec l'occupant qui ont disparu du village depuis longtemps.
Je n'en dirai pas plus, sécurité oblige.







Nous ne boirons pas d'alcool. Autour d'un thé, la bande d'un soir chantera des chants révolutionnaires, Julien et moi serons l'Europe, avec la question récurrente sur la Syrie. 
Et oui, Bachar soutient la Palestine, comme l'avaient fait Saddam Hussein et le colonel Kadhafi.
Nous ne ferons pas de géopolitique.








Nous serons  juste dans l'altérité.
Et à Gaza,...


Pendant ce temps, on parle encore du tunnel.


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Une soirée à Kufer Ein













mercredi 16 octobre 2013

Naplouse, Aïd et Bassim abou Sariah, alias, al Gaddhafi .

Je regarde Julien travailler sur l'Aïd.






Pendant ce temps je fais le point.
Depuis notre arrivée à Naplouse, j’ai la volonté d’en savoir plus sur Bassim abou Sariah, alias, al Gaddhafi .
C’est le premier visage que j’avais remarqué, affiché sur les murs de la Vieille Ville il y a un an. Visage doux et peau lisse, de la bonté dans les yeux, un gendre idéal, un bon fils, posant fièrement l’arme à la main.
J’avais mis du temps à connaitre son nom. C'est par des enfants de Balata que j'en avais eu connaissance.
Lors de l’exposition d'Alham Shibli au Musée du Jeu de Paume, j’apprenais alors qu’il était le dirigeant des brigades des Martyrs al Aqsa lors de la dernière Intifada et fondateur des groupes de résistance Faris el-Leil (Chevalier de la nuit) de la vieille ville de Naplouse.
C’est un sacré CV. 



Voilà où en j’en suis. Naplouse prépare l'Aïd. Julien son reportage.






 Qui est réellement Bassim abou Sariah, alias, al Gaddhafi ? 
Je voulais rencontrer de la famille, des témoins, des voisins, nourrir Looking for Gaza du sang d’un résistant. C'était, il me semble, une évocation nécessaire pour parler de cette ville.
Dans la soirée, lorsque j’évoquais son nom, la jeunesse de Naplouse se gonflait d'orgueil. Il était le héros de Naplouse, celui qui avait résisté jusqu'au bout à Israël.
Il était courageux, fier, un vrai chef de guerre. "Naplouse la résistante" avait son icône et je comprenais ma fascination pour ce visage.

Le lendemain matin, nous rencontrions B.
Sa pensée et son approche d’un événement est politique.
Je commence à l’interpeller sur Al Gaddhafi…
B. est direct : «Je l’ai connu. Un piètre politique, manipulé par beaucoup, incapable d’aligner 2 phrases. Quelqu'un qui n'a aucun intérêt, presque inculte…».
Tout s’effondre. 
Comment ?
Bassim abou Sariah, alias, al Gaddhafi, le héros de Naplouse, celui dont on dit que les israéliens s’y sont repris à 7 fois pour le tuer ?
Et B. continue : « Il a été impliqué dans des meurtres, rackets, malversations, et a peut-être participé à l'assassinat du frère d'un homme politique de Naplouse. Aucune envergure, juste un type profitant de l’Intifada et de l'anarchie qui régnaient alors ici. ».
Je suis déçu, mais pas étonné. Le banditisme profite toujours d'une situation de chaos. Tous les conflits regorgent d'histoire de ce genre et comme disait Prévert "L'étoffe des héros est faite d'un tissu de mensonges".
Je suis surtout surpris de la façon dont j'ai abordé cet homme, dicté par une mystérieuse et impérieuse nécessité d’en savoir plus sur ce visage.
J'aurais aimé découvrir autre chose, comme un modèle, un visage à la résistance, un Che Guevara local. J'aurais aimé raconter son enfance et dérouler le fil d'une vie faite d'engagements, de philanthropie, d'abnégation et d'exploits. 
Je voulais tout ça. 
Je voulais... Disneyland.
Ce fut la première déception.
La deuxième est que je ne serai jamais Albert Londres.

Et je regarde Julien  travaillant au cimetière de Naplouse, là où se trouve justement la tombe de Al Gaddhafi.







Nous rencontrons Bassem (l’homme qui sourit). Julien le photographie avec sa famille tandis qu’il nous explique les traditions autour de la préparation de  l’Aïd.
Et je reviens à la charge. 
" You know  Bassim abou Sariah, alias, al Gaddhafi ?
Sure ! He’s a hero ! " me dit-il.
Bassem a 36 ans. Ce n'est plus un gamin qu'une figure mythique peut impressionner.
Et de nouveau, j’entends la litanie sur le héros, l’ultime combattant de Naplouse.
Je veux aller à l’endroit où il été tué. 
Bassem connaît. Il nous emmène dans les ruelles de la vieille ville. Grimpons un escalier de pierre, et sur une terrasse surplombant la ville, il nous montre là où Gaddhafi, cerné par les forces israéliennes périssait le 16 octobre 2007.
Julien grimpe faire quelques clichés.
Je dis à Bassem : "Everybody  in Naplouse like Al Gadhafi ?
" I’m not sure…"
Puis il poursuit: « J’aime le résistant, mais seulement le résistant… je ne veux pas en dire plus…
Pourquoi ?
Cela peut-être dangereux. On pourrait entendre…"
Bassem nous a quittés quelques minutes plus tard.





Le lendemain matin, à 6h, Julien et moi étions de retour au cimetière pour assister au début de l'Aïd. 
Sur la tombe de Bassim, 4 de ses sœurs et ses 3 enfants, Hiba, Aya et le plus petit Mogahad étaient là. Après quelques mots, et autant de clichés, je venais de clore (pour l'instant, qui sait) la page Bassim abou Sariah, alias, al Gaddhafi.




Il avait guidé nos pas durant 2 jours à Naplouse.
  
Pendant ce temps, ce jour-là à Gaza:


Pendant ce temps,  I am "looking for" encore et encore et je ne creuserai plus de tunnel. 
Promis.


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Aïd à Naplouse



















dimanche 13 octobre 2013

Fight Ghost Town






Nous avons fini nos quatre jours à l'Université d'Hébron. 
Sur les 10 000 étudiants, Julien et moi n'en avons rencontré qu'une cinquantaine. 
En échange de nos relatifs savoirs, nos connaissances professionnelles. ils nous ont apporté une connaissance différente de la ville d'Hébron et de la Palestine. C'était l'enjeu. On appelle ça du donnant/donnant en Technocratie mais dans mon monde, on appelle ça l'altérité.
Nous avons appris avec eux, plus que nous l'attendions.
Ils nous ont révélé des évidences.
L'occupation israélienne est obsessionnelle. La visite de la vieille ville avec 4 d'entre-eux ne laissait guère de place au doute. La haine est à chaque carrefour de ce quartier déserté.


L'une des jeunes filles, Walaa, avait écrit un texte lors de l'atelier. 
D'un commun accord, nous avons décidé de la filmer dans la vieille ville. 
Chaque lieu était représentatif d'une peur, d'une frustration, d'un interdit. Le texte filmé en studio (voir "La révolte de Salaa") prenait alors un tout autre sens.

Nous avons appris que la tension et la peur sont omniprésentes.
Elles font partie du décor, comme installées volontairement par les habitants israéliens. Ils ont le regard arrogant, la fierté d'être présents sur un territoire qu'ils considèrent comme le leur. Ils ont la force et la puissance.
Désolé d'être dans l'image Mainstream et le cliché, mais rien ne peut aller contre cette réalité.
J'aurais aimé être plus pertinent, ou pourquoi pas cynique, pour être au-dessus de tout ça, mais c'est juste impossible.
Parce que les mots entendus aujourd'hui sont ceux-ci : un colon d'un vingtaine d'années, armé, à côté d'un mirador en surplomb de la vieille ville hurle à un môme de 8 ans : "Ta mère est une pute".

C'est aussi l'image de Walaa passant devant une colonie en longeant le mur et qui dit "j'ai peur".

C'est l'histoire de Mohamed et la peur du militaire. C'est la fouille brutale d'un habitant un soir près de la rue des Martyrs.

C'est un groupe d'enfants de colons, d'une dizaine d'années, nous demandant si nous préférions les juifs ou les arabes. "Les deux" avons-nous dit. "Go away!" nous ont-ils répondu agressivement en prenant des bâtons.
Voilà ce que les étudiants nous ont dit et voilà ce que nous avons vu. C'était pourtant ma troisième visite à Hébron. II y a des choses auxquelles on ne s'habitue pas.   

                                                                  Fight Ghost City!

Mays, une étudiante en français qui a travaillé dans l'atelier de Gérald, et sa mère. Son texte est un dialogue entre une fille et sa mère. Il parle de l'évolution des traditions par rapport à la femme. Ici, chez elles, devant la caméra de Gérald. (voir vidéo)

                                                                                
                                    


Je vais tous les citer. D'abord les filles:  Laïla , Mays, Bayan, Deema, Zahra, Walaa, Aya, Jumana, Kauther.  Puis les garçons, Abdelkader, Mohammad, Mahmoud. Nous aurons passé 4 jours intenses et riches.

Gérald en tournage avec Mohamed dans les studios de l'Université



Zahar se prépare à nous parler de ses rêves perdus.

                                            Kauther veut prendre l'avion (vidéo Gérald Dumont)


Ils m'ont mis sous les yeux, joyeusement, avec fraternité, mais insistance, leur quotidien rendu difficile par les traditions castratrices. C'est du moins ce qu'ils nous disent.

Walaa devant "shuada street" fermée par les forces israéliennes. C'est ici qu'elle voulait enregistrer un partie de son texte. © Julien Jaulin
Nous voulions parler d'amour. Juste ça.
Mais comment faire?
Parler de projets, ou, comme l'a fait Abdel Kader, parler d'un avenir incertain.

                                        Abdel Kader (comment faire...?) (Vidéo: Gérald Dumont)

L'amour ! Qu'il est compliqué ici.
Juste s'aimer !
Même en cachette.
Juste communiquer et  se sourire sur Facebook est proscrit.
Il faut attendre des jours meilleurs.

                                                 La révolte de Walaa (Vidéo: Gérald Dumont)



 Voilà ce qu'ils nous ont appris, ce que nous avons échangé: leur vie, et notre envie de la connaitre.

En leur présence -et maudite soit cette terre qui ne juge que par le résultat quantifiable et l'objectif-  j'ai oublié le spectacle à écrire.
Mais est-ce le moment?
J'aurai l'occasion d'être seul, et de remplir des pages à loisir.
Avant cela, il faut bien se nourrir.
Avec Laïla , Mays, Bayan, Deema, Zahra, Walaa, Aya, Jumana, Kauther, Abdelkader, Mohammad, Mahmoud, j'ai rempli mon sac à dos d'histoires nouvelles et ajouter dans ma ville des personnages inoubliables.
Nous avons fait le plein d'humanité.
Tout le contraire du centre ville d'Hébron,  Ghost Town

 Un enfant portant une clé: symbole du retour des palestiniens à leur terre. © Julien Jaulin

Dans une ruelle à la tombée de la nuit. En bas des palestiniens au-dessus des israéliens. Le grillage pour se protéger des projectiles. © Julien Jaulin 


En quittant la vieille ville, nous remontons vers notre appartement. Au stade près de chez nous, un match de foot opposant l'équipe d'Hebron à celle de Quilkylia. Ville encerclée par le mur de séparation. Aux abords du stade des supporters n'ayant pu entrer. © Julien Jaulin

                               

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      Visite en images dans la vieille ville et la zone israélienne.                                                                                                    
© Julien Jaulin
Le check-point entre la vieille ville et le tombeau des patriarches.

Jeunes israéliens. Malgré les sourires nous sommes reçus froidement. Ils forment une chaine nous barrant le passage agrémentée de "go away".





Le tombeau des patriarches.




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Pour terminer, un grand merci pour son accueil à Brahim Melouki, responsable du Département de linguistique de l'Université et également animateur de l'émission "Regards croisés" sur Radio Alam où nous fumes invités pour clôturer nos interventions. 



                               Julien Jaulin et Brahim Mélouki sur Radio Alam (vidéo Gérald Dumont)

Demain, départ pour Naplouse, le camp de Balata et la rencontre improbable de Bassim abou Sariah, alias, al Gaddhafi.

Une dernière chose pour les curieux:
http://www.parismatch.com/Actu/International/Tsahal-Israel-Yehuda-Shaul-occupation-palestiniens-144243


mercredi 9 octobre 2013

les prisonniers

Julien et moi sommes depuis ce matin 10 h. à l'Université d'Hébron.

                                                                                                         © Julien Jaulin
                                                            
Les demandes des étudiants sont immenses et notre présence est ressentie comme quelque chose d'important. Parler, communiquer, échanger: une curiosité sur nous, sur notre venue, et un profond désir de témoigner sur la situation à Hébron. 

Cinq colonies, dont quatre en plein centre ville, ont considérablement réduit la liberté de mouvement des habitants. 2 zones distinctes: une juive, interdite aux palestiniens, une palestinienne, mais sous contrôle de l'armée israélienne. 
Forte pression sur la population de la part de l'armée.


« Ils sont venus ! Cette nuit, à 2 heures du matin. Ils ont tapé fort à la porte, boum ! boum !
Ouvrez ! Boum ! Boum !
Et le gosse qui hurle! Faut le comprendre.
Ma femme, qui le prend dans ses bras.  »
C’est  Wassef qui parle.
 « Alors, j’ouvre. Ils rentrent en hurlant !
 Il ne s’arrête pas de parler
« A neuf !
 Oui, à neuf, dans la maison, les fusils mitrailleurs à la main, en hurlant, en me bousculant ! »
 « Qui ça ! »
« Des militaires israéliens ! »
C’est Wassef qui parle. Évidemment, des soldats israéliens.
« A neuf, avec les fusils, à 3 heures du matin. On dormait !
Ils fouillent, le salon, soulèvent les coussins, ouvrent les portes de placards.
Ils veulent rentrer dans ma chambre à coucher, dans notre chambre à coucher, tu imagines ? Notre chambre à coucher, avec ma femme dedans.  Je m’interpose, Il y a ma femme dedans, ça ne se fait pas !
Derrière la porte, le petit hurle, il a peur !
L’un d’eux, très fort, me prend par les épaules et me jette contre le mur.
Je tape fort !
J’ai la marque, chouf ! juste là, Chouf ! chouf !
Trois rentrent dans ma chambre, le petit hurle. Ma femme, non, elle est digne.
Ils fouillent encore, reviennent aux mêmes endroits, recommencent à soulever les coussins, à ouvrir les portes des placards.
L’un d’eux me dit : « Tu fréquentes des terroristes ! Des noms ! Des noms !
Le petit qui hurle.
 Je ne fréquente pas les terroristes ! C’est faux.
Ils sont restés 2 heures.... »
Wassef se calme. Mais il rajoute :
« C’est pas la première fois qu’ils font ça. Oh, non. Régulièrement, ils font ça.
Ou bien je suis convoqué. Ils m’interrogent.
Tout ça parce qu’en rentrant de faire mes études en Jordanie, à la frontière, le Shin Bet m’a demandé de collaborer, de raconter les choses que je savais.
Je disais ne rien savoir. J’ai passé 3 jours enfermé, près du Pont d’ Allenby.
Ils m’ont proposé de l’argent, j’ai dit non aussi. Ils m’ont frappé, mais pas trop.
Et j’ai pu rentrer. »
Il poursuit :
« Alors, régulièrement ils font ça ! Boum ! Boum ! Ça fait peur à mon fils.
A ma femme aussi, et à mes parents qui sont vieux.
Faut dire que plus jeune, j’ai  lancé des cailloux,
Et puis, plus jeune, je voulais devenir Martyr, c’était la deuxième intifada.
Mais écoute Gérald : pour un israélien tué, c’est 50 palestiniens qui meurent.
Ce n’est pas rentable.
Et puis maintenant, j’ai un enfant. » 
Il me sourit, fin de l’histoire.
(extrait de Looking for Gaza, en cours d'écriture) 

Les langues se délient pendant ces ateliers d'écriture.
Pour certains, Julien et moi sommes les premiers non musulmans avec qui ils parlent.
Ils sont finalement assez agréablement surpris.
Les textes expriment  un mélange de révoltes et de résignations (nous en publierons certains prochainement).  Nous sommes  suivis majoritairement par des filles et la situation de la femme est régulièrement abordée. 
Pour elles, double peine. Occupation israélienne et traditions qui ne leur laissent que peu de liberté.
Pendant ce temps, Julien était assailli par 40 élèves ! 
Je pose des questions, pas forcément dérangeantes pour elles, mais inattendues, comme si je m’interrogeais sur un état de fait immuable et établi.

Et pendant ce temps, le stade en béton de l'Université, transformé en  salle de meeting accueillait une manifestation en soutien aux grévistes de la faim emprisonnés en Israël.


vidéo Gérald Dumont
Ils sont au nombre de 3.
300 personnes étaient rassemblées pour écouter les discours des autorités, puis des étudiants, des amis de familles de prisonniers.


Manifestation de soutien aux étudiants emprisonnés.           © Julien Jaulin
                                                                                                                
Des scènes émouvantes, des mères en pleurs, et toujours les textes de mes étudiants qui me parlent de la violence sourde et quotidienne.
Une question que je me pose: écrivent-ils ce que j'ai envie d'entendre ? Je ne crois pas. L'occupation est obsédante, comme la tradition.

Faculté d'Hébron. Etudiants lors de la manifestation de soutien aux étudiants emprisonnés.                        ©Julien Jaulin
                                                                                                                                                                                                                                     
"Quand tu passes devant un cimetière, ne crois pas que les morts soient tranquilles."
(phrase entendue aujourd’hui)