dimanche 13 octobre 2013

Fight Ghost Town






Nous avons fini nos quatre jours à l'Université d'Hébron. 
Sur les 10 000 étudiants, Julien et moi n'en avons rencontré qu'une cinquantaine. 
En échange de nos relatifs savoirs, nos connaissances professionnelles. ils nous ont apporté une connaissance différente de la ville d'Hébron et de la Palestine. C'était l'enjeu. On appelle ça du donnant/donnant en Technocratie mais dans mon monde, on appelle ça l'altérité.
Nous avons appris avec eux, plus que nous l'attendions.
Ils nous ont révélé des évidences.
L'occupation israélienne est obsessionnelle. La visite de la vieille ville avec 4 d'entre-eux ne laissait guère de place au doute. La haine est à chaque carrefour de ce quartier déserté.


L'une des jeunes filles, Walaa, avait écrit un texte lors de l'atelier. 
D'un commun accord, nous avons décidé de la filmer dans la vieille ville. 
Chaque lieu était représentatif d'une peur, d'une frustration, d'un interdit. Le texte filmé en studio (voir "La révolte de Salaa") prenait alors un tout autre sens.

Nous avons appris que la tension et la peur sont omniprésentes.
Elles font partie du décor, comme installées volontairement par les habitants israéliens. Ils ont le regard arrogant, la fierté d'être présents sur un territoire qu'ils considèrent comme le leur. Ils ont la force et la puissance.
Désolé d'être dans l'image Mainstream et le cliché, mais rien ne peut aller contre cette réalité.
J'aurais aimé être plus pertinent, ou pourquoi pas cynique, pour être au-dessus de tout ça, mais c'est juste impossible.
Parce que les mots entendus aujourd'hui sont ceux-ci : un colon d'un vingtaine d'années, armé, à côté d'un mirador en surplomb de la vieille ville hurle à un môme de 8 ans : "Ta mère est une pute".

C'est aussi l'image de Walaa passant devant une colonie en longeant le mur et qui dit "j'ai peur".

C'est l'histoire de Mohamed et la peur du militaire. C'est la fouille brutale d'un habitant un soir près de la rue des Martyrs.

C'est un groupe d'enfants de colons, d'une dizaine d'années, nous demandant si nous préférions les juifs ou les arabes. "Les deux" avons-nous dit. "Go away!" nous ont-ils répondu agressivement en prenant des bâtons.
Voilà ce que les étudiants nous ont dit et voilà ce que nous avons vu. C'était pourtant ma troisième visite à Hébron. II y a des choses auxquelles on ne s'habitue pas.   

                                                                  Fight Ghost City!

Mays, une étudiante en français qui a travaillé dans l'atelier de Gérald, et sa mère. Son texte est un dialogue entre une fille et sa mère. Il parle de l'évolution des traditions par rapport à la femme. Ici, chez elles, devant la caméra de Gérald. (voir vidéo)

                                                                                
                                    


Je vais tous les citer. D'abord les filles:  Laïla , Mays, Bayan, Deema, Zahra, Walaa, Aya, Jumana, Kauther.  Puis les garçons, Abdelkader, Mohammad, Mahmoud. Nous aurons passé 4 jours intenses et riches.

Gérald en tournage avec Mohamed dans les studios de l'Université



Zahar se prépare à nous parler de ses rêves perdus.

                                            Kauther veut prendre l'avion (vidéo Gérald Dumont)


Ils m'ont mis sous les yeux, joyeusement, avec fraternité, mais insistance, leur quotidien rendu difficile par les traditions castratrices. C'est du moins ce qu'ils nous disent.

Walaa devant "shuada street" fermée par les forces israéliennes. C'est ici qu'elle voulait enregistrer un partie de son texte. © Julien Jaulin
Nous voulions parler d'amour. Juste ça.
Mais comment faire?
Parler de projets, ou, comme l'a fait Abdel Kader, parler d'un avenir incertain.

                                        Abdel Kader (comment faire...?) (Vidéo: Gérald Dumont)

L'amour ! Qu'il est compliqué ici.
Juste s'aimer !
Même en cachette.
Juste communiquer et  se sourire sur Facebook est proscrit.
Il faut attendre des jours meilleurs.

                                                 La révolte de Walaa (Vidéo: Gérald Dumont)



 Voilà ce qu'ils nous ont appris, ce que nous avons échangé: leur vie, et notre envie de la connaitre.

En leur présence -et maudite soit cette terre qui ne juge que par le résultat quantifiable et l'objectif-  j'ai oublié le spectacle à écrire.
Mais est-ce le moment?
J'aurai l'occasion d'être seul, et de remplir des pages à loisir.
Avant cela, il faut bien se nourrir.
Avec Laïla , Mays, Bayan, Deema, Zahra, Walaa, Aya, Jumana, Kauther, Abdelkader, Mohammad, Mahmoud, j'ai rempli mon sac à dos d'histoires nouvelles et ajouter dans ma ville des personnages inoubliables.
Nous avons fait le plein d'humanité.
Tout le contraire du centre ville d'Hébron,  Ghost Town

 Un enfant portant une clé: symbole du retour des palestiniens à leur terre. © Julien Jaulin

Dans une ruelle à la tombée de la nuit. En bas des palestiniens au-dessus des israéliens. Le grillage pour se protéger des projectiles. © Julien Jaulin 


En quittant la vieille ville, nous remontons vers notre appartement. Au stade près de chez nous, un match de foot opposant l'équipe d'Hebron à celle de Quilkylia. Ville encerclée par le mur de séparation. Aux abords du stade des supporters n'ayant pu entrer. © Julien Jaulin

                               

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      Visite en images dans la vieille ville et la zone israélienne.                                                                                                    
© Julien Jaulin
Le check-point entre la vieille ville et le tombeau des patriarches.

Jeunes israéliens. Malgré les sourires nous sommes reçus froidement. Ils forment une chaine nous barrant le passage agrémentée de "go away".





Le tombeau des patriarches.




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Pour terminer, un grand merci pour son accueil à Brahim Melouki, responsable du Département de linguistique de l'Université et également animateur de l'émission "Regards croisés" sur Radio Alam où nous fumes invités pour clôturer nos interventions. 



                               Julien Jaulin et Brahim Mélouki sur Radio Alam (vidéo Gérald Dumont)

Demain, départ pour Naplouse, le camp de Balata et la rencontre improbable de Bassim abou Sariah, alias, al Gaddhafi.

Une dernière chose pour les curieux:
http://www.parismatch.com/Actu/International/Tsahal-Israel-Yehuda-Shaul-occupation-palestiniens-144243


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